Des origines de notre fête nationale
Alors que le défilé militaire a débuté sur les Champs-Elysées à Paris en ce jour de fête nationale française, j'ai besoin de mettre en avant une carte de l'atelier collaboratif La Fresque du Climat. Il s'agit de la carte sur le forçage radiatif.
Cette carte n'est pas d'un abord facile autant pour les participants que pour certains animateurs. Elle fait partie de celles qu'on est autorisé à ne pas distribuer pour une version simplifiée de l'atelier.
Mais finalement, quand on prend le temps de l'étudier, elle apporte énormément d'informations intéressantes. Et pas uniquement sur l'influence des activités de nos sociétés capitalistes sur le monde vivant et en particulier sur les mécanismes de l'effet de serre qui permet la vie sur Terre à l'origine.
Elle nous montre aussi que des événements naturels peuvent avoir de fortes répercussions sur nos sociétés. Comme une étincelle qui va enclencher des explosions en série. Ou la fameuse goutte d'eau qui fait déborder le vase.
Et aujourd'hui, j'aimerais que vous regardiez les grands pics noirs qui pointent vers le bas ponctuellement. La légende nous indique "Volcanic". Il s'agit d'éruptions volcaniques.
Mais quel est le lien entre une éruption volcanique et le climat ? Sur cette carte du forçage radiatif, on lit que les éruptions volcaniques font partie des sources de production d'aérosols. Dans la Fresque du Climat, les aérosols sont présentés sur une autre carte et définis ainsi :
Rien à voir avec les bombes aérosols. Les aérosols sont une pollution locale, comme le dioxyde de soufre, qui vient de la combustion imparfaite des énergies fossiles. Ils sont mauvais pour la santé et ils ont par ailleurs une contribution négative au forçage radiatif (ils refroidissent le climat).
La carte aérosols de la Fresque du Climat parle donc des aérosols d'origine humaine. Et elle explique qu'ils ont un effet refroidissant. Ils empêchent les rayons du soleil de réchauffer notre planète donc les gaz à effet de serre ont moins de chaleur à garder.
Mais avec la carte forçage radiatif, on découvre qu'il existe aussi des producteurs naturels d'aérosols, et pas des moindres. La différence importante est que la production humaine est régulière et croissante des années 1850 aux années 1970 (elle diminue depuis mais reste importante comparée avant 1850) alors que la production volcanique peut être plus importante mais ponctuelle.
Et ces événements ponctuels peuvent avoir de fortes implications climatiques, écologiques, économiques, sociales et politiques pendant quelques années. Relire ce que j'ai écrit plus haut : l'étincelle qui enclenche une série d'explosions, la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
Regardons à nouveau notre carte forçage radiatif. Et repérons les pics noirs des éruptions volcaniques. Nous en observons quelques uns entre 1750 et 1800. Et parmi eux, il doit y avoir les Lakagígar, un ensemble de plus de cent cratères volcaniques du Sud de l'Islande dont la formation a débuté le 8 juin 1783 avec l'ouverture explosive d'une fissure de 27km de long. L'éruption se poursuit jusqu'au 7 février 1784 avec l'éruption en parallèle du volcan Grímsvötn, duquel part cette fissure, de 1783 au 26 mai 1785.
Pendant tout ce temps, ces éruptions vont libérer 8 millions de tonnes de fluor et 120 millions de tonnes de dioxyde de soufre, de quoi contaminer les pâturages islandais et leur cheptel et aussi créer un brouillard qui va s'étendre sur toute l'Europe, déstabilisant les conditions météorologiques et les récoltes pendant plusieurs années. (lire plus en détails la page Wikipedia en lien)
D'après l'historien du climat Emmanuel Le Roy Ladurie sur le site de Météo France :
Le 13 juillet 1788, un orage particulièrement violent traverse la France, des Landes jusqu'à la Belgique, laissant 1059 villages dévastés et ruinant une partie des récoltes céréalières d'une moisson qui s'annonçait déjà médiocre. [...]
L'orage se produit dans une période météorologique 1788-1789 hors normes. En juillet 1788, le déficit pluviométrique est de l'ordre de 40% dans le nord de la France et dépasse les 80% dans le Sud-Est. Dès juin, les récoltes sont annoncées comme médiocres. Elles le sont effectivement (20 à 30% de moins que la normale selon les régions). [...]
Mais le plus difficile reste à venir. Le temps glacial qui s'installe sur le pays dès le 25 novembre 1788 se prolongera jusqu'à la mi-janvier 1789. La Seine, la Loire, le Rhône, la Saône sont en partie gelés, ce qui complique les approvisionnements des grandes villes comme Paris, mais aussi Rouen...
La surmortalité de janvier 1789 est estimée à 10 000 morts. Le déficit de naissances est plus sensible, environ 30 000. Les raisons sont multiples : noces différées (10 000 mariages de moins en 1788), aménorrhée de disette chez les femmes les plus pauvres...
Le prix du pain s'envole et le nombre d'émeutes avec !
Ainsi Jean Nicolas, dans La rébellion française, identifie 58 émeutes frumentaires en 1788 et 239 sur les seuls quatre premiers mois de 1789, avec un maximum de 105 en avril, avant la tenue des États généraux. [...]
En France, en 1788, le contexte politique est tendu. Louis XVI s'est résolu à convoquer les États généraux le 5 juillet 1788, sans annoncer cependant de date précise. Il n'identifie pas le risque de pénurie frumentaire et autorise le renouvellement des autorisations d'exportation les 17 et le 25 juin 1788, malgré la sécheresse déjà constatée. Il faut attendre la nomination officielle de Necker, le 25 août 1788, pour que l'export des grains soit interdit et qu'un circuit d'importation depuis les États-Unis soit mis en place, ce qui sans être entièrement nouveau, constitue une réelle opportunité.
Dans le système politique du royaume de France, les états généraux du royaume (ou États-Généraux) étaient une assemblée réunissant les trois ordres (les états) de la société : la noblesse, le clergé et le tiers état. Ils étaient convoqués, sur ordre du roi, dans des circonstances exceptionnelles (crise politique ou financière, guerre ou question diplomatique majeure). (Wikipedia)
Les 36ème et derniers États généraux du royaume de France se réuniront du 5 mai au 27 juin 1789 avec tous les événements que nous connaissons pour la plupart car enseignés à l'école (mais pour se rafraichir la mémoire, on peut lire cette page Wikipedia par exemple).
Nous observons donc ici que des événements climatiques cumulés à une situation économique et sociale tendue ont enclenché des événements politiques d'envergure, entre autre du fait de l'aveuglement des personnes qui détenaient le pouvoir.
En 1789, l'étincelle était un phénomène purement naturel. Aujourd'hui, l'étincelle est l'activité de nos sociétés de consommation. L'humain parait petit face à un volcan. Mais son action durant et se cumulant (réchauffement climatique et érosion de la biodiversité pour les plus connus), son influence n'est pas moindre.
Ce n'est pas que la dose qui fait le poison mais aussi la fréquence et la durée.
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